La question de la durabilité des pratiques touristiques a été largement étudiée depuis les années 1990. En fait, les premières réflexions à ce sujet s’intéressaient à l’impact du tourisme sur les communautés d’accueil, plus particulièrement dans les pays du sud, avec l’objectif d’optimiser les retombées positives pour les différentes parties prenantes d’une destination. Depuis, d’autres problématiques ont été étudiées par les chercheurs en passant de l’impact réel de nouvelles formes de tourisme sur les territoires (écotourisme, tourisme social et solidaire, tourisme inclusif…etc.) à la contribution de l’activité touristique aux changements climatiques. Au fil du temps, la recherche sur le sujet a mobilisé des corpus et des méthodologies très diversifiés au point de voir émerger plusieurs revues scientifiques consacrées exclusivement à la question de la durabilité en tourisme. Cette effervescence de la recherche sur le tourisme durable s’explique en effet par la croissance effrénée de l’activité touristique - 1,5 milliard d’arrivées touristiques en 2019 (OMT, 2020)[1] - et l’émergence sur certains territoires d’un mouvement de résistance au phénomène touristique. L’exemple de Venise est probablement le plus célèbre à ce titre et symbolise ce que certains chercheurs qualifient d’overdose touristique (Proulx, 2006). Néanmoins, le cas de Venise est loin d’être le seul. D’autres cas comme Barcelone, Rome et Osaka, où les citoyens ont manifesté leur exaspération face aux comportements des touristes (Higgins-Desbiolles, 2019[2]), ont fait l’objet d’une large couverture médiatique aux quatre coins du monde. Dans ce contexte, le concept du surtourisme est de plus en plus utilisé pour désigner la sur-fréquentation de certains territoires par les touristes et les impacts potentiels, plus particulièrement sociaux et environnementaux, sur ces territoires (Khomsi et al., 2020[3]).

 

Les problématiques de la sur-fréquentation touristique des territoires ont été au premier plan de la recherche jusqu’à l’arrivée de la pandémie. Depuis, et avec les conséquences que la crise sanitaire a eues sur l’industrie touristique partout à travers le monde, la question de la relance touristique est au centre des préoccupations. Pour plusieurs chercheurs, malgré tous les effets négatifs générés par la pandémie, c’est peut-être une occasion à saisir pour relancer un tourisme plus durable. Pour Christin (2020)[4], avant de revenir aux mêmes pratiques qui ont prévalu avant la pandémie il faut requestionner le modèle de développement du tourisme. Devrions-nous au nom de la logique économique continuer à sacrifier les écosystèmes, les territoires et les communautés ? Berriane (2020[5]) rappelle à ce titre en exposant le cas du Maroc que le tourisme de proximité, très populaire pendant la crise sanitaire, a été toujours une bouée de sauvetage pour le secteur touristique au moment des crises, mais que le retour au même modèle de tourisme international de masse a tendance à reprendre le dessus dès que la crise semble se résorber.

 

Dans le cadre de ce colloque, nous aimerions donc se poser la question s’il est possible dans les territoires, où le tourisme contribue de façon significative à l’économie du pays, de concilier durabilité et développement touristique.  La question n’est certes pas nouvelle, elle est voire même dépassée. Cela étant dit, nous souhaitons l’entreprendre sous une nouvelle perspective. Plus concrètement, dans un contexte où la crise sanitaire a démontré que les destinations qui dépendent du tourisme international sont celles qui ont le plus souffert, et dans un contexte où le dernier rapport du GIEC nous incite à réduire nos déplacements et plus particulièrement en avion, il est permis de poser les questions suivantes :

• Quel avenir pour le tourisme international dans un contexte de lutte contre les changements climatiques ? Comment les pays qui dépendent du tourisme international peuvent s’adapter ?

• Le réflexe de durabilité est-il présent chez les touristes ? Est-ce quelque chose qui est exclusif aux touristes issus des pays du Nord ? Qu’en-t-il des citoyens des pays en voie de développement ?

• Quelles sont les stratégies à déployer par les entreprises, et plus particulièrement les PME et les TPE, pour contribuer à la durabilité touristique ?

 

D’autres problématiques qui ont pour objectif de requestionner le modèle de développement touristique dans le contexte de la crise sanitaire et climatique peuvent être considérées.

 

[1] UNWTO. (2020). International Tourist Arrivals Could Fall by 2030% in 2020

[2] Higgins-Desbiolles, F. (2019). Rethinking tourism so the locals actually benefit from hosting visitors. The conversation, publié en mai, 22

[3] Khomsi , M.R; Fernandez-Aubin; L & Rabier, L (2020) : A prospective analysis of overtourism in Montreal, Journal of Travel & Tourism Marketing.

[4] Christin,M. (2020) « Orienter l’aventure », Téoros.  Vol 39 (n°3)

[5] Mohamed Berriane, « Le tourisme marocain de l’après-COVID-19», Téoros Téoros.  Vol 39 (n°3)